Cap Gris-Nez

Le Cap est une falaise de 45 m de hauteur située sur le territoire communal d'Audinghen, entre les communes de Wissant et d'Audresselles, au cœur de la Côte d'Opale dans le département du Pas-de-Calais. Il fait partie de l'ensemble des falaises rocheuses du Boulonnais, entre les côtes sableuses picardes au sud et flamandes à l'est. Cette avancée des falaises argilo-gréseuses se situe à seulement 34 km de Douvres et constitue le point du littoral français le plus proche de l'Angleterre. Il constitue également, avec le cap Dungeness côté anglais, un goulet d'étranglement. Du sommet du cap, par temps clair, on a une belle vue sur les côtes anglaises et sur le cap Blanc-Nez.
Cap Gris-Nez vu par le satellite Spot, avec un impact hydrosédimentaire fort, en raison d'une déviation (et turbulences associées) des courants du "« Fleuve côtier »" (masse d'eau moins salée en raison des apports en eau douce des « trois estuaires » situés plus au sud et remontant naturellement vers le nord)

Le site

Le phare et à sa base le Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS).
Les deux caps conservent les séquelles de guerre des conflits de 14-18 et de la seconde Guerre mondiale. L'actuel phare du cap Gris-Nez de type tour cylindrique en maçonnerie de pierres apparentes, dont le faisceau porte à 45 km, a été mis en service en 1957. Celui-ci marque le point le plus étroit du pas de Calais, d'intérêt stratégique pour le transport maritime international, qui met en relation la Manche et la mer du Nord, les ports du nord et du sud de l'Europe. C'est un des détroits les plus fréquentés au monde avec plus de 500 mouvements de bateaux par jour en moyenne, transportant tout type de marchandises, dont des produits dangereux tels que des hydrocarbures, des matières chimiques ou radioactives. Ce sont plus de 200 000 navires par an qui circulent nuit et jour dans le détroit. 25 % du trafic maritime mondial de marchandises y transitent. 30 % des navires de fret maritime le fréquentant transportent des matières dangereuses, soit 166 millions de tonnes par an. On trouve au pied du phare le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) qui est un organisme chargé de surveiller en permanence le pas de Calais où le trafic maritime est particulièrement intense. De plus le détroit est réputé difficile du fait des courants, des vents parfois violents et des brouillards fréquents. Le CROSS Gris-Nez a pour mission de surveiller une zone allant de la frontière franco-belge au cap d'Antifer (Le Havre). Il veille au respect des règles de circulation dans le détroit. C'est ici que sont traités les appels de détresse des navires Français à l'international. Il existe un système de rails de circulation, séparé par une zone neutre, s'appelant le Dispositif de Séparation de Trafic. Les navires se dirigeant vers le nord longent la côte française (le rail montant), tandis que ceux en direction du sud longent la côte anglaise (le rail descendant), on peut le qualifier d'"autoroute à cargos". Le trafic traversier concerne les navires devant traverser les rails de circulation (ferries, bateaux de plaisance et de pêche), celui-ci s'effectue obligatoirement à angle droit, au lieu de croisement du rail.

Aspects environnementaux et biogéographiques

Concernant les aspects marins et sous-marins, le cap Gris Nez marque la frontière entre deux grandes zones écologiquement liées, mais aux caractéristiques hydrosédimentaires différentes, qui correspondent au sud à la Manche et au Nord à la Mer du nord. Au sud du cap, l'importance du "fleuve côtier" plus riche en eau douce est très marquée (C'est en aval des estuaires une zone importante de nourrisserie et de croissance de jeunes poissons). Elle s'atténue ou disparait plus au nord. Les cellules hydrosédimentaires sont plus ou moins indépendantes les unes des autres mais a priori plus « ouvertes » que dans des mers fermées et sans marées telles que la Méditerranée. Le mouvement de l'eau dans ces cellules guide la sédimentations dans un système associant des zones puits (de dépôt) et des sources (de prélèvement). Des déséquilibres peuvent se traduire par un recul du trait de côte, ou d'une réduction locale de l'ensablement des pieds de digues ou falaise. Les milieux ainsi créés abritent des communautés végétales et animales différentes. Le cap Gris-Nez est un haut lieu d'observation des oiseaux migrateurs, car le détroit est un point de passage d'importance pour nombre d'espèces migratrices. Il est pour cette raison très fréquenté par les ornithologues aux périodes des migrations (printemps, automne). Le cap Gris-Nez est considéré comme un site majeur, d'importance paneuropéenne à protéger tant pour la conservation d'habitats naturels remarquables que pour les migrations de l'avifaune, mais il était comme le cap Blanc-Nez victime de dégradations liées à la surfréquentation du site (800 000 visiteurs par an au début des années 2000). C'est pourquoi, il bénéficie d'une opération de sauvegarde (7 mois de travaux prévus sur 30 ha en 2008, devant mobiliser 60 000 m3 de terre, pour mieux intégrer le parking, créer de nouveaux sentiers pédestre qui conduiront à trois belvédères en bois de chêne, sur les sites du « Cran aux œufs », de la « baie des épaulards » et face à l'Angleterre), financés par le conseil général du Pas-de-Calais, le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, l'État et l'Union européenne. Le site est déjà classé pour son intérêt écologique et paysager. Une désignation complémentaire au titre du réseau Natura 2000 en mer est prévue avant mi-2008. C'est un élément important de la trame verte régionale. Vue de la falaise on peut admirer au sol, à marée basse un géotope remarquable (plissement géologique particulièrement marqué), qui fait partie des 57 sites patrimoniaux retenus en 2010 par l'inventaire hiérarchisé des sites géologiques remarquables. Histoire Le nom est issu du vieux flamand : Grisenesse ce qui veut dire Cap Gris, un autre nom était Swartenesse, Cap noir. La proximité des côtes anglaises et du détroit a fait du cap un lieu stratégique dans les guerres qui opposèrent la Grande-Bretagne à la France, ce qui valut au village d'Audinghen d'être plusieurs fois entièrement détruit. Au sommet de la falaise, on trouve les ruines d'une forteresse anglaise construite par le roi Henri VIII au début du XVIe siècle. Napoléon s'arrêta au cap Gris-Nez le 1er juillet 1803, lors d'une inspection du littoral boulonnais. Il envisagea alors la mise en place d'une ligne télégraphique optique transmanche. Le premier sémaphore de cette ligne fut installé à la pointe du cap en 1805, sans attendre que soit accomplie la conquête de l'Angleterre qu'il envisageait. C'est autour du Cap Gris-Nez qu'eut lieu le combat du 27 au 29 septembre 1803, opposant la France et l'Angleterre. Le 18 juillet 1805, une bataille navale mémorable eut lieu devant le Gris-Nez. Une flottille britannique avec une forte supériorité numérique poursuivait des bateaux hollandais qui cherchaient en longeant la côte à rejoindre le port d'Ambleteuse. Prévoyant une attaque de ce type, Napoléon avait fait disposer sur le cap 300 pièces d'artillerie. Un déluge d'artillerie obligea les vaisseaux britanniques à battre en retraite. Le capitaine de corvette Ducuing et ses hommes moururent le 25 mai 1940 (pendant la Bataille de France) en défendant le sémaphore, une stèle commémorative rappelle ce sacrifice. Pendant l' Occupation de la France par la Wehrmacht, les Allemands construisirent un blockhaus à l'intérieur des ruines et une importante batterie d'artillerie côtière, la batterie Todt au sud du cap, au lieudit Haringzelle. Le cap fut libéré par les soldats canadiens en septembre 1944.
Cliché de reconnaissance prise par la RAF avant bombardement

Aménagements touristiques et protection du site

Le cap Gris-Nez bénéficie d'une opération de sauvegarde de grande ampleur qui vise à restaurer le site, paysagèrement, avec renaturation des anciens parkings, création de sentiers accessibles à tous, effacement des ravines créées par le piétinement des visiteurs (environ 1 million chaque année)...les efforts conjugués des collectivités locales redonnent un second souffle à ces falaises.

Traversées de la Manche à la nage

Chaque année, lorsque les coefficients de marées sont au plus faible et que la météo est bonne, des dizaines de candidats enduits de lanoline s'élancent depuis la Shakespeare Beach, au pied des falaises de Douvres, en direction de la France. En un siècle, près de 10 000 traversées ont été tentées, mais seules 1 600 ont abouti. « La distance n'est pas colossale, mais les conditions sont redoutables », détaille Stéphane Lorenzo, le premier Français handicapé à avoir effectué une traversée homologuée en seize heures onze minutes, le 2 août 2010. Aujourd'hui, ce marathon aquatique est très encadré. Et même interdit, côté français, depuis 1999. La seule possibilité consiste donc à partir d'Angleterre où la Channel Swimmer Association a édicté des règles strictes. Escorté par un bateau dans lequel prend place un officiel, le nageur doit sortir complètement de l'eau pour voir son temps homologué. Les éventuels ravitaillements en vivre ne peuvent s'effectuer qu'à l'aide d'une perche tendue depuis le bateau. La combinaison est interdite. Tenue exigée : maillot, bonnet de bain et lunettes de natation. La chronique attribue à un soldat de la Grande Armée, Jean-Marie Salvatti, l'origine du franchissement du détroit en 1815. Prisonnier des Anglais, il aurait regagné le continent à la force des bras.